Le cerveau du golfeur

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Introduction

[ Document en chantier ]

Le golf est une activité remarquable.

Dans toutes les activités spécifiquement humaines, le fonctionnement du cerveau de l'individu peut être plus ou moins décrit et étudié.

L'homme primitif (ou la femme primitive) qui cherche de la nourriture, qui poursuit une proie, qui fuit un prédateur, qui cherche à séduire un ou une partenaire, qui apprend, enseigne, éduque,... active pour chacune de ces activités des rouages divers mais toujours performants de son cerveau. Ainsi a opéré la sélection: son cerveau a été ajusté et sélectionné pour résoudre ces tâches diverses.

De même l'homme moderne qui cherche du travail et des revenus, qui joue en bourse, qui affronte un rival au poker ou aux échecs, qui s'adonne au tennis ou à la pétanque,... active ces mêmes rouages pour atteindre des objectifs moins primitifs, mais que son cerveau très généraliste lui permet de traiter avec succès. Du moins pensons nous, en optimistes homo sapiens, que nous les traitons avec succès parce que nous ne connaissons pas d'espèces terrestres ou extra-terrestres capables de s'y attaquer mieux que nous.

Dans toutes ces activités le golf occupe une place très particulière et très intéressante pour diverses raisons.

D'abord, le golf est particulier parce que l'objectif du jeu est remarquablement simple. Faisant ici l'impasse des subtilités occasionnelles des règles, le jeu consiste à minimiser le nombre d'impacts sur une balle pour arriver à placer cette balle dans un trou. De manière plus précise, chaque trou de golf est un exercice dont les données sont (1) un point de départ (2) un point d'arrivée (3) une balle (4) des outils, les clubs (5) un paysage dans un environnement climatique. L'objectif est la minimisation d'un nombre entier, celui des impacts appliqués à la balle au moyen des outils. Toutes les données du problèmes sont bien connues, et aucun adversaire n'intervient pour contrecarrer l'atteinte de l'objectif. C'est donc un jeu (1) physique (2) individuel (3) à information complète.

A ce point le golf ne pourrait être comparé, parmi l'éventail des activités humaines, qu'au lancement du disque ou du javelot, voire au tir à l'arc ou aux divers concours de saut.

Deux compétences complémentaires

Mais tout en étant bien plus simple dans son objectif que la plupart des autres activités humaines, le golf met en jeu dans le cerveau du pratiquant deux activités très précises du cerveau, à la fois totalement dissociées et fortement complémentaires.

Ces deux activités sont d'une part le choix d'objectifs intermédiaires, et d'autre part l'exécution physique de mouvements pour atteindre ces choix intermédiaires.

Cette combinaison fait du golf une activité unique et remarquable, en dépit de sa simplicité ou grâce à elle.

Le choix d'objectif intermédiaire

Avant chaque coup à jouer le golfeur structure plus ou moins consciemment un objectif. Compte tenu des données bien connues du problème, le choix de l'objectif est un problème technique assez précis et formalisable. C'est à la description de ce problème et au fonctionnement du cerveau qui l'atteint que sont surtout consacrées les pages qui suivent.

La description mathématique complète de ce problème est possible, et c'est l'objectif de ce document.

Le point extraordinaire est que le golfeur ordinaire, et aussi le champion, est totalement ignorant de cette description mathématique, mais que les rouages de son cerveau traite ce joli problème avec une efficacité incontestable.

La choix d'objectif intermédiaire ne demande aucune compétence physique. C'est une activité strictement cérébrale.

L'exécution physique du coup

A l'inverse des choix d'objectifs intermédiaires, qui ne relèvent que de compétences cérébrales, l'exécution du coup combine des compétences physiques et cérébrales. Coté physique, la souplesse, la fermeté, la précision, la coordination interviennent tous, tandis que la puissance pure est relativement mineure. A l'inverse des ouvrages généralement consacrés au golf, les pages qui suivent ne traitent pas de ces qualités physiques, ni de l'étude du swing élégant, performant ou efficace. Le lecteur qui espère améliorer son swing trouvera dans de nombreux autres livres des conseils utiles.

La dualité spécifique de l'exécution du coup

Mais précisément le contenu de ces autres livres révèle cet autre aspect remarquable du golf. Le golf est également unique par la nature de l'exécution du coup, qui met en jeu une activité corticale consciente, concentrée, et proactive, tandis que l'essentiel du mouvement relève de l'activation nerveuse et musculaire du corps swinguant selon des réflexes gérés par son cervelet.

Cette exceptionnelle dualité entre cervelet et cortex, entre conscience active et réflexe préformé est probablement ce qui caractérise le mieux les champions. Leur cervelet leur permet comme à chacun de nous de tourner et de lancer un objet sans aucune présence conscient. Mais à coté de cela et en plus de cela, ils réalisent l'effort permanent d'évaluer, d'étudier, de corriger les multiples détails d'exécutions dont les joueurs moyens ne peuvent maitriser la diversité. Il ne suffit pas d'avoir appris jeune, il ne suffit pas d'organiser dans le cervelet l'ensemble des mouvements permettant un impact efficace. Pour être un champion, il faut en plus réactiver au niveau conscient les détails de ces mouvements.

C'est ce que l'on observe devant le joueur de bon niveau qui prépare son coup. Il est immobile devant sa balle, en pleine concentration. A cet instant son cortex passe en revue ce qu'il va dans un instant déléguer totalement au cervelet pour l'instant magique du swing.

C'est également ce que l'on observe en parcourant le discours très cérébral rédigés par les champions dans leur best-seller de conseils. Ce discours cérébral traite surtout d'une conscience corporelle aigüe, subtilisée à l'instinct du cervelet.

Un problème mathématique

S'il fallait programmer un robot pour en faire un joueur de golf performant, deux problèmes bien distincts seraient à traiter, qui font écho aux deux compétences cités en introduction.

La question de l'exécution du coup est un problème de mécanique: il s'agit de donner à une machine des organes mécaniques capables de propulser une balle avec une force et un angle spécifiés. Cela reste relativement simple, mais il faut y ajouter des considérations sur l'analyse de la balle, de sa position, de l'incidence de la température et du vent sur la trajectoire ou l'impact,... Sur cette question de mécanique passionnante, rien de plus ne sera discuté ici. Le lecteur est invité à rêver aux formes que pourraient prendre le robot, et qui n'emprunteraient probablement en rien à la morphologie humaine.

La seconde question, celle du choix des objectifs intermédiaires serait par contre un problème de mathématiques, qu'un algorithme ad hoc transposerait dans les circuits du robot. Quel est cet algorithme, que tout amateur de golf exécute chaque weekend ?

Est-il évident ? La description qui en sera construite dans les paragraphes qui suivent montrent que non. C'est donc que l'exécution de l'algorithme implicite est inconscient ou instinctif chez le golfeur comme sont inconscient et instinctifs les sauts des chiens qui interceptent les trajectoires paraboliques des bâtons qui leur sont lancés, comme sont instinctifs les mouvements des oiseaux qui planent en exploitant dans des fluides gazeux les forces du vent. Les chiens n'ont pas étudié la balistique, et les oiseaux n'ont pas de diplôme de mécanique des milieux continus. Cependant les problèmes qu'ils traitent avec succès ont pu être objectivés par des ingénieux ingénieurs.

Il s'agit à présent de leur soumettre la question du golf. Ils ont compris ce que cherchent à résoudre le chien ou l'oiseau. Mais que cherche à résoudre le golfeur qui décide de ses objectifs intermédiaires ?

L'objectif global

Il est assez évident de définir un objectif global pour le jeu de golf.

Quel que soit la formule de jeu, quel que soit le niveau du joueur, l'objectif est de mettre la balle dans le trou en un minimum de coups.

Pour compléter le problème, il faut dire que le golf est un jeu à information - presque - complète. Le joueur connait toutes les données du prolème , qui incluent l'emplacement du départ et celui de l'arrivée, la géométrie et la nature du sol, la présence et la configuration d'obstacles et de limites, etc... Le joueur est également conscient des données météorologiques, température, force et direction du vent, pluie... Si l'on oublie les situations relativement rares de blind shot, toutes les contraintes du jeu sont dans les mains et dans l'esprit du joueur qui prend son départ.

Les objectifs intermédiaires

Mais bien sûr, l'atteinte optimale de l'objectif, qui est la mise directe - en un seul coup - de la balle dans le trou, est pratiquement inatteignable.

L'exécution d'un trou est donc une succession d'étapes intermédiaires, dont chacune inclut:

  • la définition d'un objectif intermédiaire
  • l'exécution d'un coup visant à atteindre cet objectif

Tout ceci est très verbeux, et pas trop formel. Pour progresser, nous devons définir l'espérance du nombre de coups restants.

Volonté, incertitude, habileté

Avant de définir l'ENCR, il est intéressant de souligner que les deux composantes de chaque étape sont de nature...

ENCR : L'Espérance du Nombre de Coups Restants

L'ENCR est un nombre réel qui peut être défini pour chaque joueur, pour chaque trou, et pour chaque emplacement du parcours.

Chaque emplacement du parcours inclut le green, le fairway, les obstacles divers et l'aire de départ.

Ellipsoïdes d'incertitude

Les distributions gaussiennes

Les travaux de Carl Friedrich Gauss et en particulier le concept de distribution normale sont parmi les plus féconds et les plus omniprésents dans notre environnement, car ils reflètent de la manière la plus usuelle l'intervention du hasard ou de l'incertitude dans notre vie.

Peut on trouver de la beauté dans ces abstractions mathématiques, dans ces géométries porteuses de sens ? J'avoue être de ceux qui admirent l'élégance des concepts formels, et celle-ci est parmi mes préférées. Math et golf

Il y a beaucoup d'interférences mathématiques dans le golf.

  1. Les systèmes de scores imaginés par les golfeurs sont ingénieux, mais d'une vaine complexité qu'un mathématicien apprécie peu. [nota :pour ma part j'ai mis au point et j'utilise la méthode floue des QHE [quick handicap estimator], qui est à la fois plus souple à utiliser et plus rigoureuse].
  2. La trajectoire des balles obéit aux règles habituelles de balistique. On y trouve des paraboles, mais affectées par de nombreux facteurs volontaires et involontaires. Il y a d'abord les effets de frotement de l'air qui déforme à l'évidence la parabole gravitationnelle théorique. Il y a aussi le vent, la pluie et la température. Il y a encore les effets subtils dus à la rotation de la balle, involontaires pour la plupart des golfeurs, objet de leur habileté pour les meilleurs d'entre eux.
  3. L'incertitude sur le point d'impact et le point d'arrêt de la balle frappée est une mesure inverse de l'habileté du golfeur. C'est ici qu'interviennent Gauss et sa distribution normale, et c'est l'objet de la suite.

L'incertitude sur le point d'impact

Prenez un fer sept (par exemple), et tapez un très grand nombre de balles identiques, puis observez leur points d'arrêt au sol. Si vous étiez un golfeur parfait, c'est à dire pratiquant un mouvement parfaitement répété et identique à chaque frappe, toutes les balles se retrouveraient exactement au même endroit, aux effets minimes près du vent, de la poussière sur le club et la balle, etc...

Mais vous êtes imparfaits, et tous les joueurs de golf, même les meilleurs sont imparfaits. Vos balles arrivées au sol forment un amas distribué autour de la cible. Elles sont trop longues ou trop courtes, trop à gauche ou trop à droite. Mais quelle est la distribution de densité des balles au sol ? Il faut imaginer ceci pour un nombre considérable de balles.

La réponse est grosso modo une distribution normale bi-variée - une distribution quasi gaussienne. Elle est bi-variée parace qu'elle s'étend sur deux dimensions. Il y a un centre, qui correspond par exemple à un drapeau ciblé. De manière générale, notre normale bi-variée présente la forme d'un chapeau, dont le sommet est le centre, présentant un bel arrondi autour du centre, et une périphérie tendant vers l'horizontale. Le dessin ci-dessous donne une idée de cette distribution.

En chaque point du sol, la hauteur du chapeau reflète la densité de probabilité de présence de balles. Bien entendu le chapeau de Tiger (TW, archétype du bon joueur) est bien plus étroit et plus pointu que le vôtre et surtout que le mien. mais l'ensemble du volume caché sous le chapeau est toujours égaé à 1, parce que la probabilité globale que la balle retombe "quelque part" est bien égale à 1 (en termes matheux: l'intégrale sur la surface de la fonction de densité de probabilité est toujours égale à l'unité).

On peut se poser des questions proches, et plus instructives. Par exemple: "Quelle est la limite de la surface du terrain ou tombe la balle avec une probabilité de 90% ?". On peut poser la même question avec 50% ou 99%. Si on ajoute comme conditions que cette surface doit limiter une zone présentant un minimum de densité de probabilité, alors on obtient des ellipses. Ce sont ces ellipses que j'appelle "ellipsoïdes d'incertitude" - EI.

Reprenant la représentation du chapeau, les EI-99%, EI-90% et EI-50% peuvent être imaginées comme des coupes horizontales dans le chapeau. Et le volume qui est déterminé comme interne à ces ellipsoïdes (les frontières étant verticales) est de 0.99 0.90 et 0.50, pour respectivement les trois ellipsoïdes pris comme exemple.

Votre ellipsoïde d'incertitude à 99% est vaste, bien plus grand que votre EI à 90%, qui est plus grand que celui à 50%. Par ailleur l'EI-90% de TW est probablement plus petite que la vôtre. On pourrait par exemple supposer que l'EI-99% de TW a la même taille que votre EI-90%, Ce qui signifierait que dans le périmètre où vous êtes capables de déposer 90% de vos balles, TW est capable de déposer 99% des siennes.

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Imperfections

En réalité le nom ellipsoïde doit être utilisé au lieu d'ellipse pour de multiples raisons. L'ellipsoïde ressemble à un ellipse, mais dans le cas de la densité de probabilités des balles de golf frappées, il s'en écarte pour plusieurs raisons.

  • D'abord la partie distale (loin du joueur) s'étire plus que la partie proximale, et différemment. Ceci peut être attribué, au moins en partie, aux effets de topping plus ou moins prononcés. Ceci est en partie et imparfaitement compensé par les effets de frottement ralentissant les balles longues.
  • En suite, la dispersion latérale est une dispersion angulaire, et non une dispersion de distance. Il s'ensuit que l'incertitude latérale est plus étendue pour les coups trop longs que pour les coups trop courts.
  • Enfin, se superposant à l'effet précédent, les effets d'un trajectoire tournante - volontaire ou involontaire - se traduisent également par une incertitude latérale amplifiée pour les coups en fonction de leur longueur, et plus que proportionnellement à celle-ci.

Pour toutes ces raisons, l'EI est une ellipse déformée, comme l'indique le dessin ci-dessous.

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Application tactique

Bien entendu, tout ce qui précède peut paraître inutilement abstrait. Les bons joueurs de golf n'ont pas besoin d'avoir un diplôme de mathématiques avancées pour jouer infiniment mieux que vous et moi.

Cependant, il faut souligner qu'un bon joueur de golf résout avec son instinct des problèmes mathématiques très raffinés, et que des mathématiciens traitent dans d'autres domaines régulièrement:

Lorsqu'un coup de putter est joué, tout joueur de golf traite implicitement une équations aux dérivées partielles : celle qui détermine la trajectoire d'un objet roulant sur un surface plus ou moins roulante en chaque point, et pourvue en chaque point de pentes d'orientations diverses. Un bon mathématicien et un bon ordinateur bien programmé pourraient recevoir toues ces données et déterminer une trajectoire "parfaite", une direction et une vitesse d'impact optimaux, et le coup résultant serait certainement excellent. Mais un bon golfeur traite toutes ces données avec ses sens de manière terriblement efficace également. Il se sert surtout de la vue et de l'équilibre, qui lui permet de décoder les pentes grâces aux entrées combinées de ses oreilles et de ses yeux. Il se sert aussi de son expérince, qui lui permet du décoder de manière plus précise les données du problème. Le résultat est impressionnant, mais le problème dans sa nature est bien matheux.

De même lorsqu'un bon joueur envoie une longue balle dans l'air, il résout un problème complexe de balistique, où interviennent la température, le vent, et pour certians des effets intentionnels transmis à la balle lors de l'impact. Un chien est capable d'attraper au vol une balle, et donc de prédire avec une précision payante une trajectoire parabolique. Le bon golfeur traite de la même manière un problème plus complexe. mais dans un cas comme dans l'autre, ce sont les sens développés du chien et du golfeur, combinés à leur expérience, qui permettront de résoudre de problème matheux.

Mais le problème le plus intéressant est celui dont l'énoncé serait : "Étant donné la taille de mon ellipsoïde d'incertitude, quel point dois-je viser ?" Sur quel point faut-il centrer l'ellipsoïde d'incertitude. D'abord il faut prendre en compte divers facteurs:

  • le décalage entre point d'impact et point d'arrêt de la balle, la manière dont la balle est susceptible de rouler.
  • la présence d'obstacles (bunkers et obstacles d'eau)
  • les pentes du terrain

Voici différents cas où l'on imagine qu'un bon et un moyen joueur veulent centrer leurs EIs respectifs. Comme on le voit, la réponse est différente. Elle peut même être très différente.

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Conclusion

Lorsque je joue au golf, que je le veuille ou non, je matérialise visuellement les proportions de mon EI. Ensuite, je m'efforce de contrer au mieux l'EI, en tenant compte de facteurs tactiques, et en particulier du niveau de risque toléré ou demandé. Ensuite seulement, j'estime une direction et une distance, et je prépare mon coup. A vrai dire je ne saurais penser autrement... Qu'en pensez-vous ?


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